Si la transition numérique de nos sociétés relève aujourd’hui d’une évidence, la digitalisation des métiers du courtage en assurance et du conseil en gestion de patrimoine est encore à expliquer. Tandis que certains courtiers et conseillers en gestion de patrimoine s’inscrivent dans une approche encore traditionnelle, d’autres se sont bel et bien confrontés à l’inéluctabilité de la digitalisation de leur métier. En 2019, avant même l’arrivée de la crise sanitaire mondiale, déjà 96% des cadres en assurances et en gestion de patrimoine estimaient que le rythme de l’innovation dans leurs entreprises s’était accéléré au cours des trois dernières années avec l’émergence des nouvelles technologies. Certains évoquent même un monde où l’assurtech prend une place grandissante – la commercialisation de contrats d’assurance en ligne – représentant l’an dernier plus de 6 milliards d’euros de fonds levés à travers le monde par les start-ups concernées ; un chiffre équivalent à deux fois le montant de l’année précédente.
Dans quelle mesure assistons-nous à une restructuration des métiers de courtage en assurance et de conseil en gestion de patrimoine à l’ère où la digitalisation globale est en marche ?
La digitalisation des métiers de courtage en assurance et de conseil en gestion de patrimoine n’est plus une option.
D’un point de vue réglementaire, l’utilisation d’un outil digital est indispensable. En effet, la transformation digitale de ces activités a été favorisée par les multiples réglementations émises par l’Union Européenne ou encore par l’ACPR – l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L’instauration de nouvelles obligations impose aux courtiers et CGP de vérifier l’identité de leurs clients et d’assurer une protection de leurs données personnelles. Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), la DDA (Directive sur la Distribution d’Assurance), ainsi que les réglementations liées au KYC (Know Your Customer) vont dans ce sens et obligent ces métiers à être repensés. En somme, la question de la maîtrise des données est capitale. Le paradigme dans lequel étaient les courtiers en assurances et les conseillers en gestion de patrimoine il y a quelques années a fondamentalement changé. L’avènement d’Internet a été à l’origine de la transformation de la nature, de la quantité ainsi que de la fiabilité des données. De ce fait, l’analyse, la gestion et la vérification de ces données ne peuvent se faire sans outils informatiques. En cela, les premières limites des activités de courtage en assurances et de CGP, telles qu’elles s’exercent traditionnellement, se dessinent.
Remodeler les activités de courtage en assurances et de conseil en gestion de patrimoine est une nécessité qui a été renforcée également par l’évolution parallèle du mode de vie des clients. La démocratisation du numérique a été structurelle et multidimensionnelle : la recherche client de l’immédiateté, de réactivité, de fluidité et de simplicité n’a pas échappé aux métiers d’assurances et de gestion de patrimoine. Jérôme Dedeyan, vice-président en charge de l’insurtech au sein de Planète CSCA, l’organisation patronale unique du courtage en France, confirme que “La digitalisation de l’ensemble de nos activités est aujourd’hui incontournable. Elle permet en effet à nos adhérents de gagner du temps et de l’efficacité aussi bien dans la satisfaction des besoins de leurs clients que dans l’accomplissement de leurs tâches administratives”. Face aux nouvelles règlementations auxquelles sont soumis les courtiers et CGP, il convient à ces derniers de conjuguer les nouvelles exigences des assurés avec les obligations qui leurs sont imposées. La crise sanitaire mondiale n’a fait qu’accélérer cette urgence des courtiers et CGP à s’adapter aux nouvelles lois de la digitalisation. Les confinements successifs et la crainte générale de faire perdurer cette crise ont cultivé une culture croissante du distanciel sur la base d’une confiance bilatérale entre souscripteurs et assureurs.
La digitalisation des activités des courtiers en assurance ainsi que des conseillers en gestion de patrimoine vient également en réaction à un marché devenant de plus en plus concurrentiel. En effet, l’émergence de nouveaux acteurs tels que les bancassurances, comparateurs, acteurs de l’assurtech, ou encore la distribution directe par les assureurs plante désormais un nouveau décor : la digitalisation devient un moyen de s’imposer face à la concurrence, de gagner en part de marché, et donc d’accroître l’activité. La digitalisation comme outil hégémonique et de croissance économique à l’échelle d’une société est un phénomène bien réel : “Les courtiers désireux de conquérir de nouveaux clients et d’accroître le volume de leur portefeuille seront sans aucun doute conduits à utiliser les techniques nouvelles du marketing digital” affirme Colin Turner, directeur de l’activité courtage chez NetVox Assurances. Le travail de prospection – téléphonique ou via l’e-mailing – ainsi que l’utilisation de l’intelligence artificielle en matière de comparaison d’offres d’assurances ou de placements permettent d’atteindre un plus grand nombre de clients, d’être capable de répondre efficacement à leurs besoins et, de facto, être davantage compétitif sur ce marché concurrentiel.
Vers un système totalement digitalisé ?
Malgré l’éloge de la digitalisation croissante de ces activités, il reste cependant une myriade de courtiers et de CGP qui fait le choix de ne pas y adhérer, ou qui oscille entre un modèle traditionnel et un autre plus moderne – plus digitalisé.
En effet, le nouvel écosystème du courtage en assurances et du conseil en gestion de patrimoine témoigne d’une annexion de la digitalisation sur ces activités. Différentes dimensions sont mises en cause : réglementaires, concurrentielles et financières. Toutefois, la dimension humaine est ineffaçable et demeure incompressible. Tendre vers un modèle hybride serait alors la réponse à ceux qui souhaiteraient conserver un aspect traditionnel du métier