Réaliser une évaluation (ou valorisation) d’une société revient à estimer la valeur des titres qui composent son capital au regard du marché et de ses perspectives de croissance, de développement.
La valeur des titres d’une société repose majoritairement sur sa capacité à être rentable ou à le devenir fortement (à l’image d’une start up ou d’une société technologique par exemple), compte tenu de son activité et de ses ressources (humaines, financières, technologiques, …).
Les intérêts de réaliser une valorisation de sa société ou d’une partie de son activité sont multiples. Elle permet d’estimer la valeur de l’entreprise pour mieux la positionner sur son marché, suivre son évaluation à titre de suivi ou réglementaire (sociétés cotées), mais également dans un cadre transactionnel.
En effet, qu’il s’agisse d’une transmission interne entre associés ou actionnaires, d’une cession d’une branche d’activité ou de tout ou partie des titres à une personne externe, la valorisation constituera une base de discussion.
Évaluer la valeur des titres d’une société ou de son activité n’est pas un exercice aléatoire, il repose sur des méthodes et sur des processus bien précis. Il est important de noter que la valorisation d’une entreprise est très différente en fonction du profil de l’entreprise ou encore de son secteur d’activité. En effet la valorisation d’une startup dans les nouvelles technologies ne s’opère pas de la même manière qu’une entreprise du secteur agroalimentaire ou celle d’une concession automobile.
L’évaluateur dispose d’une série d’approches qu’il met en œuvre en fonction de la société ou de l’activité à valoriser.
Cet article a pour but d’aborder les grandes lignes d’une évaluation d’entreprise et notamment la collecte de l’information, les méthodes d’évaluation et son aspect subjectif.
La collecte de l’information
À l’image d’une recette de cuisine, la collecte et le regroupement d’un certain nombre d’informations forment la première grande étape, en amont de l’exercice d’évaluation. Lorsqu’une société fait appel à un prestataire externe (cabinet de fusion et acquisition ou d’évaluation par exemple), il est impératif qu’elle lui fournisse un maximum d’informations détaillées. Plus les informations seront complètes et précises, plus l’estimation le sera également.
Néanmoins, les informations à collecter ne sont pas que textuelles (PV d’AG) ou chiffrées (Rapports annuels). Elles sont également verbales. En effet, qui de mieux placés que l’équipe de direction d’une société pour transmettre un certain nombre d’éléments spécifiques à l’entreprise et à son fonctionnement ? Il est important d’avoir à l’esprit qu’une évaluation nécessite des échanges verbaux pour que l’évaluateur puisse parfaitement comprendre l’organisation et l’activité de la société.
Ces documents sont aussi bien comptables, financiers, sociaux, opérationnels, immobiliers, etc.
En fonction des secteurs d’activité et de la méthode de valorisation utilisée, les documents nécessaires peuvent varier. Cependant les documents essentiels à tout type de valorisation sont les « rapports ou comptes annuels ».
Outre les principales informations et documents à collecter, il est primordial de penser à aborder les points suivants :
- La gestion des données internes : Les stocks, les investissements, les formations internes, la sécurité, la conformité réglementaire, etc. ;
- Les partenariats : partenariat privilégié avec certains acteurs, fournisseurs, distributeurs.
- Les avantages comparatifs : Monétiser un savoir-faire propre à l’entreprise, ou des services complémentaires (brevets, contrats d’exclusivités).
Les principales méthodes de valorisation
1. Les multiples boursiers
Cette méthode a pour but de comparer l’entreprise à valoriser avec d’autres entreprises cotées en bourse et comparables . En partant de ce constat, il est possible d’observer la valeur que le marché attribue aux entreprises qui semblent comparables, pour ensuite faire une valorisation en confrontant les données financières.
Dans un premier temps il convient de constituer un échantillon de sociétés comparables, en s’intéressant à la nature de l’activité et son business model, à sa zone d’intervention géographique et des devises utilisées ainsi qu’à sa structure financière.
Pour chaque société retenue dans cet échantillon il faudra déterminer différents multiples sur la base du chiffre d’affaires, de l’EBE, du Rex ou encore du résultat net. Ces derniers correspondent à des niveaux de valorisations attribués aux différents agrégats du compte de résultat de la société.
Pour les déterminer il est nécessaire de connaitre pour chacune des sociétés, sa Valeur d’Entreprise (VE). Cette dernière correspond à la valeur économique des actifs (ou passifs) de la société, elle est donc différente de la Valeur de l’Entreprise en elle-même qui correspond à la Valeur économique de ses capitaux propres (Vcp).
Il y a deux façons de calculer la Valeur d’Entreprise d’une société :
- En se basant sur la valeur économique de ses actifs :
VE = Immobilisation + Besoin en Fond de Roulement (BFR)
- En se basant sur la valeur de ses passifs :
VE = Capitalisation boursière (valeur économique des Capitaux propres d’une société cotée en bourse) + dette nette de la trésorerie et de ses équivalents
Cette équivalence de formule est logique puisque, pour acquérir ses actifs, la société a dû les financer, soit par ses fonds propres, soit par de la dette. La valeur économique des actifs est donc égale à la valeur économique des passifs.
Une fois la Valeur d’Entreprise obtenue pour chacune des sociétés comparables, il est possible de déterminer les multiples de valorisation :
À la suite de cela, il est possible de déterminer des multiples sectoriels, égaux à la moyenne des différents multiples de chacune des sociétés comparables du panel. Ces multiples sectoriels pourront alors être appliqués aux agrégats de la société à valoriser. Les multiples de CA, d’EBE et de REX permettent d’obtenir la Valeur d’Entreprise. Par conséquent, il convient de déduire la dette nette de la société évaluée pour passer à la valeur économique des capitaux propres. Le PER, ou multiple de Résultat net, permet d’obtenir directement la valeur économique des capitaux propres.
2. Les multiples transactionnels
Cette méthode consiste à estimer la valeur d’une entreprise en fonction de transactions effectuées sur des sociétés comparables dans le passé. L’objectif est de construire un panel de transactions comparables pour en observer les niveaux de valorisation appliqués. La mise en place de valorisation est la même que celle des multiples boursiers à la différence que l’échantillon n’est pas constitué de sociétés comparables mais de transactions sur le capital de sociétés comparables.
3. La méthode des DCF
La méthode de l’actualisation des flux de trésoreries disponibles (FTD), ou Discounted (free) Cash-Flows, (DCF en anglais) est fondée sur la projection des flux de trésorerie que sera amenée à générer l’entreprise évaluée. En effet, cette méthode suppose que la Valeur d’Entreprise est égale à la somme de ses flux de trésorerie futurs actualisés, et ce jusqu’à « l’infini ».
Cette méthode consiste donc à estimer la valeur d’une entreprise en fonction de sa capacité à générer des flux de trésorerie positifs et de la richesse pour ses actionnaires (ou associés) à travers du résultat distribuable en dividendes par exemple. Pour cela il convient donc d’établir, au préalable, un business plan sur une durée de 5 ans qui offrira un degré de certitude différent selon le secteur d’activité, le carnet de commandes (secteur naval ou aéronautique par exemple) ainsi qu’une multitude d’autres facteurs.
Cette méthode s’opère en 4 étapes :
- La constitution d’un business plan et l’identification des flux de trésorerie disponible ;
- La détermination des hypothèses (taux d’actualisation, etc.) ;
- Le calcul de la valeur terminale de l’entreprise ;
- Le calcul de la valeur d’entreprise (VE) puis de la valeur de l’entreprise (Vcp).
Sans rentrer dans plus de complexité mathématique, la formule de calcul de la VE, à laquelle il faudra retrancher la dette nette, est :
FTD : Flux de trésorerie disponible
K : taux d’actualisation (Coût Moyen Pondéré du Capital pour les sociétés endettées)
t : Période d’actualisation (durée du business plan)
4. La méthode patrimoniale :
Cette méthode basée sur le bilan comptable, donne une vision du patrimoine de l’entreprise. Elle correspond à l’inventaire exhaustif des actifs et des dettes de l’entreprise afin de déterminer le solde net appelé actif net comptable. Cet actif net est corrigé puis réévalué pour donner une valeur actuelle de la société.
a) L’actif net comptable corrigé (ANCC)
Cette méthode consiste à retenir uniquement les valeurs dites « réelles » de l’actif et du passif en annulant les « non-valeurs » (ne générant pas de valeur immédiate ou potentielle pour l’entreprise) qui correspondent, par exemple, aux frais d’établissement, ainsi qu’en retraitant les postes n’étant pas considéré comme normatif compte tenu de l’activité de la société à la vue du marché.
ANCC = Actifs réels-dettes réelles.
b) L’actif net comptable réévalué (ANCR)
Cette méthode reprend l’actif net comptable corrigé (ANCC) vu ci-dessus en y ajoutant la revalorisation du fonds de commerce. Si une valeur supplémentaire à la valeur comptable est constatée alors il convient de parler de « Survaleur » ou « Goodwill » (en anglais). À l’inverse en cas d’une réévaluation à la baisse il convient de parler de « Badwill ».
ANCR = ANCC +/- Goodwill ou Badwill
5. Les limites des méthodes : appliquer à chaque méthode
- Les limites pour les multiples boursiers et transactionnels sont similaires. Nous pouvons retenir deux inconvénients majeurs de ces méthodes : Dans un premier temps les comparables à trouver en fonction des entreprises et de leur secteur d’activité. En effet, en fonction de la taille et du secteur d’activité de cette dernière, trouver des entreprises similaires n’est pas toujours aisé. Dans un second temps, le fait que cette méthode ne comprend pas et ne valorise pas les perspectives de croissance de la société étudiée.
- La méthode DCF présente aussi des limites, ce modèle est très sensible aux hypothèses retenues et de nombreux éléments exogènes ne sont pas pris en compte dans l’actualisation des flux de trésorerie.
Afin d’obtenir un résultat plus précis par la méthode DCF, elle peut être couplée avec d’autres analyses comptables et financières.
- Concernant la méthode patrimoniale, le potentiel de croissance et de création de valeur future reste peu valorisé.
Les aspect subjectifs de la valorisation
La valorisation n’est jamais précise. En effet elle repose à la fois sur des éléments factuels et chiffrés mais également sur un certain nombre d’hypothèses et d’éléments d’appréciations (hypothèses de développement, incertitudes, relations avec les fournisseurs, etc.)
Une valorisation qui ne tient pas compte d’éléments externes au bilan de type secteur de niche, savoir-faire, partenariat, sera ainsi biaisé.
De plus, une valorisation peut différer selon qu’elle soit dans un but légal ou transactionnel. Dans un cadre légal, la recherche d’un montant précis ou d’une fourchette très restreinte et solidement justifié par des faits sera de mise. A l’inverse, dans un cadre transactionnel, plus d’éléments subjectifs sont pris en compte. De fait, le vendeur voudra en tirer le meilleur prix et l’acquéreur voudra maximiser la rentabilité de son opération en payant le prix le plus faible possible . Une fourchette plus large est souvent utilisée en amont de l’exercice de négociations. Au-delà de l’aspect purement théorique de la valorisation financière, les deux parties de la transaction défendant leurs propres intérêts.
Compte tenu de cela et de la part de subjectivité que revêt chaque valorisation, il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’expression « à l’appréciation de l’évaluateur ».
Enfin, en partant du principe que dans les différents secteurs d’activité et géographique, la concurrence pure et parfaite est utopique, alors la valorisation d’une entreprise sera d’autant moins fiable si elle ne considère l’approche uniquement par les chiffres et non par son environnement de marché.
Conclusion :
Les différentes méthodes de valorisation sont utilisées dans des cas différents selon les données à disposition de l’entreprise. Pour chaque secteur et typologie d’entreprise une méthode est à privilégier. Il est à noter que la combinaison de méthode permet d’obtenir une valorisation plus fine. Par ailleurs, au-delà des données financières, la valorisation d’une société s’effectue en fonction de critères extras financiers (position sur le marché, niche ou secteur concurrentiel, croissance du marché, concurrence d’autres fonds).
Autre aspect important, lors de la réalisation d’une valorisation dans un cadre transactionnel, elle reste un indicateur et une base de négociation. C’est le rôle d’un cabinet de conseil en fusion et acquisition d’utiliser et de réaliser des valorisations appropriées et de la manière la plus juste possible. Se faire épauler par un cabinet de ce type permet de cadrer le processus, d’intermédier les échanges et de se faire conseiller à chaque étape du processus. Une valorisation doit donc être vue comme un indicateur et non comme une vérité absolue, c’est seulement après les phases de négociation que le prix est définitif.
Sources : Pyxis Corporate, Triactis Fusac, ADB Associés